Élections professionnelles URPS ;

Une élection singulière au pluriel

   365 000 professionnels de santé libéraux étaient invités aux urnes du 31 mars au 7 avril, pour élire, par vote électronique, leurs représentants aux Unions régionales des professions de santé (URPS) et asseoir la représentativité syndicale pour 5 ans de six professions. Avec 26 % de votants, on ne peut pas dire que cette élection ait mobilisé les électeurs (trices).

- Le taux de participation atteint 20 % chez les infirmiers et 23 % chez les médecins contre 47 % chez les pharmaciens et 42 % chez les chirurgiens-dentistes.

- Renversement de majorité chez les médecins spécialistes.

- Chez les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens, les syndicats qui l'emportent n'ont pas signé les derniers accords conventionnels.

     Tous les cinq ans, les professionnels de santé libéraux sont invités à élire leurs représentants syndicaux qui siègent dans chaque région au sein des Unions régionales des professions de santé (URPS) pour contribuer avec les Agences régionales de santé (ARS) à la mise en œuvre des politiques de santé au plan local. Mais cette élection détermine également la représentativité des syndicats, seules les organisations rassemblant plus de 10 % des suffrages étant appelées à siéger pour négocier au plan national et mettre en œuvre (au plan national et local), la convention de leur profession avec l’assurance maladie.

Pharmaciens et dentistes : les bons élèves

Il n’y a pas que les élections politiques qui ont du mal à mobiliser les électeurs. La profession qui a l’effectif le plus important, les infirmières et infirmiers (95 000 inscrits) a le plus faible taux de participation, avec moins de 20 % des suffrages exprimés contre 23 % en 2015, lors de l’élection précédente. Faible participation chez les médecins également avec un taux de participation en net recul : 22,7 % en 2021 contre 40 % en 2015. Les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens sont les deux professions qui ont le plus voté : le taux de participation atteint 47 % chez les pharmaciens (recul de 12 points par rapport à 2015) et 42 % chez les chirurgiens-dentistes (stable).

Renversement de majorité chez les médecins spécialistes

     Chez les médecins, l’élection est organisée en deux collèges différents, généralistes et médecins des autres spécialités. Chez les spécialistes, le syndicat historique, la CSMF, dont l’histoire commence avec celle des assurances sociales (1930), perd la majorité au bénéfice d’une alliance « Avenir spé, Le  BLOC », qui remporte la majorité des sièges avec 39 % des voix. « Avenir spé » est un syndicat de spécialistes de création récente, né sous l’impulsion de son président, Patrick Gasser, gastroentérologue nantais, ancien président de la section spécialiste de la CSMF. L’autre membre de cette alliance est « LE BLOC », qui regroupe des syndicats de spécialistes « à plateau technique » - AAL pour les anesthésistes, le SYNGOF pour les gynécologues obstétriciens et l’UCDF pour les chirurgiens-.       Malgré l’activisme de son président, le Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne, la CSMF recule également dans le collège des généralistes (17,3 % en 2021 contre 20,2 % en 2015), la Fédération des médecins généralistes de France (MG France) renforçant son score avec près de 37 % des voix, soit 20 points de plus que la CSMF. La FMF et le SML sont en très fort recul. Un nouveau syndicat, l’UFML-S, présidé par le Dr Jérome Marty, généraliste à Fronton (Haute-Garonne), recueille d’emblée 17 % des voix chez les généralistes comme chez les spécialistes. Sur l’ensemble des deux collèges, la CSMF reste toutefois le premier syndicat.

     Au fil du temps, le désir, chez de nombreux médecins, d’une grande maison rassemblant les praticiens de toutes spécialités et de tous statuts s’efface pour donner naissance à autant de représentations catégorielles. Qui y a-t-il de commun entre d’un côté, les 56 000 médecins généralistes qui exercent, en zone rurale comme en zone urbaine, dans les quartiers pauvres, comme dans des zones plus dynamiques, au contact direct des populations et de leurs difficultés sociales, et de l’autre les 57 000 spécialistes, exerçant essentiellement en milieu urbain, dont certains ont des revenus parfois deux fois plus élevés que ceux des généralistes ? Cette élection marque-t-elle la fin du syndicat unique de la profession médicale, incarné depuis un siècle par la CSMF. Toute projection dans ce domaine reste hasardeuse… 78 % des spécialistes et 76 % des généralistes ne s’étant pas exprimés lors de cette élection. Chez les médecins libéraux, les carrières syndicales ne durent pas !

L'hôpital redevient le centre de toutes les attentions

     L’ensemble des professionnels de santé vivent depuis un an sous pression. Mais, dans cette crise sanitaire, il y a des gagnants et des perdants ! L’hôpital est (re) devenu le centre de toutes les attentions, le pays vivant au rythme du taux d’occupation des services de réanimation. Quand le premier ministre évoque l’engagement des personnels de santé en visitant un établissement hospitalier, les membres de son cabinet oublient en général de rajouter dans son discours un petit mot d’encouragement pour les professionnels de santé libéraux. La crise sanitaire de la covid19 a démarré « sans eux », les équipements de protection étant réservés aux personnels hospitaliers. Lors de la première vague, le secteur privé a été « oublié », les ARS mobilisant essentiellement les services de réanimation des hôpitaux publics. Dans les territoires où l’épidémie continue à flamber, les plateaux techniques tournent à 50 % de taux d’occupation pour réserver des lits pour les malades de la covid, et de nombreux spécialistes libéraux se trouvent en sous activité. Quant à la campagne de vaccination, au milieu des problèmes d’approvisionnement et des polémiques relatives aux effets secondaires de l’Astra Zeneca, les patients préfèrent s’adresser aux centres de vaccination qui ont une meilleure visibilité. 

     Ce ne sont pas les seuls motifs d’insatisfaction des professionnels de santé libéraux. En effet, la négociation conventionnelle devait démarrer début 2021, avant les élections aux URPS. Voyant un double danger de surenchère, avec une négociation démarrant avant les élections professionnelles et à conclure à quelques mois des présidentielles, l’exécutif a préféré reculer devant l’obstacle en retardant d’un an les discussions conventionnelles (qui démarreront début 2022), au grand dam des praticiens qui attendront un an supplémentaire la revalorisation de leur honoraires.

Chez les chirurgiens-dentistes comme chez les pharmaciens : le vainqueur n'a pas signé les derniers avenants ou la convention avec l'assurance maladie

     Chez les chirurgiens-dentistes, la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) renforce sa position dominante (45 % des voix) mais n’atteint pas la majorité absolue qu’elle convoitait. Il ne reste plus que deux syndicats jugés représentatifs (plus de 10 % des voix), la FDSL et les Chirurgiens-dentistes de France (CDF), l’Union dentaire connaissant un recul historique (8,7 %), qui la prive de représentativité syndicale. Lors de la signature de la dernière convention, en 2018, le syndicat majoritaire, la FSDL, a refusé de signer. Cette nouvelle configuration s’explique sans doute par le rejet par une grande partie de la profession du « reste à charge zéro », imposé par le gouvernement, et qui permet à la population d’accéder à certaines prothèses, facturées selon un tarif entièrement couvert par l’assurance maladie et les complémentaires. Les prochaines négociations conventionnelles (2023) risquent d’être animées… À noter également, l’apparition d’un syndicat de femmes chirurgiens-dentistes, mais qui, avec moins de 5 % des voix n’a pas de représentation syndicale. Le syndicat sera toutefois présent dans 4 régions dans les URPS.

     Pas de bouleversement chez les pharmaciens où la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) renforce sa domination dominante avec 59 % des suffrages exprimés en 2021 (49 % en 2015) contre 41 % pour l’Union des syndicats de pharmacie d’officine (en légère baisse). Le grand vainqueur est donc la FSPF… qui n’a pas signé les derniers avenants conventionnels avec l’assurance maladie. Les transformations actuelles, qui renforcent le rôle du pharmacien dans le parcours de soins (implication des pharmaciens dans les maisons de santé, les communautés professionnelles, les campagnes de vaccination, de dépistage, la délivrance des TROD…) reçoivent cependant globalement l’assentiment des professionnels.

     Chez les masseurs-kinésithérapeutes, un nouveau venu « Alizé », « un syndicat … fondé sur les principes de la démocratie participative et du non cumul des mandats » obtient un excellent score (32 %) pour une première participation aux élections professionnelles. Chez les infirmiers, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) accroit son leadership (42 %), alors que le Syndicat national des infirmiers libéraux perd 10 points.

Il reste beaucoup à faire pour faire connaître les URPS

   Dans les semaines à venir, vont avoir lieu le « deuxième tour » dans les régions, avec l’élection de nouveaux exécutifs des Unions régionales des professions de santé (URPS) qui vont rebattre les cartes au gré des alliances entre les différents syndicats. Car, aujourd’hui, l’avenir du système de santé se dessine au moins autant en région qu’au plan national, les ARS disposant de pouvoirs très étendus pour conduire les politiques de santé au plan local, en lien avec les URPS. Il n’est pas sûr que les professionnels libéraux aient compris dans leur immense majorité que les URPS constituaient des instances incontournables dans l’animation des politiques de santé de notre pays. Reste aux URPS à faire mieux connaître leurs actions auprès de leurs mandants !



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