Une pandémie prévisible ?

Beaucoup ont prédit l'arrivée d'une telle pandémie et notre impréparation à ce type de crise, mais ils n'ont pas été entendus.

Pourquoi ?

 

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"La peur séculaire de la contagion était permanente dans la société traditionnelle et jusqu’à la seconde guerre mondiale. Depuis le milieu du 20ème siècle, les progrès de la médecine nous ont « vaccinés » contre la crainte des maladies infectieuses..." 

  • Jusqu’alors thème d’actualité chinois donc lointain, mais chaque jour plus prégnant, le CovID-19 est véritablement entré dans nos vies quand, le 16 mars dernier, le Président de la République a institué le confinement de la population pour faire face à l’épidémie en pleine expansion. Au début du mois de mars, alors que depuis le mois de janvier certains spécialistes en santé publique et virologie alertaient sur le risque majeur de pandémie, certains éditorialistes ou médecins médiatiques français trouvaient que l’on « en faisait un peu trop » pour cette pandémie qui ressemblait plus ou moins à une grippe.
  • Au 1er avril, la France dénombre près de 25 000 patients hospitalisés pour ce motif, avec chaque jour 1 600 à 1 800 patients supplémentaires hospitalisés, 5 900 patients étant admis en réanimation (environ 500 supplémentaires chaque jour). Ces chiffres nous montrent l’ampleur de l’épidémie et l’énorme choc que cela représente pour les équipes hospitalières contraintes de s’adapter chaque jour à la demande de soins, avec des recommandations qui évoluent à ce rythme.
  • Qui aurait pu imaginer en ce début d’année, alors que le virus commençait à faire ses premières victimes dans la province du Hubai en Chine qu’aujoud’hui, en pleine journée, les rues de nos grandes villes soient quasiment vides, que les écoles et les commerces soient fermés et que les transports en commun tournent à rythme réduit pratiquement sans voyageurs ? Et pourtant, certains nous avaient prévenus : le discours de Bill Gates, l’ancien PDG de microsoft tourne en boucle sur les réseaux sociaux. De même un rapport très technique (Global health security GHS -, en anglais) élaboré par une quinzaine d’experts et publié en octobre 2019 montrait combien, la plupart des pays dans le monde étaient mal préparés à une éventuelle épidémie de ce type. Pourtant, en mai 2019, un rapport d’expert de Santé publique France alertait et faisait des recommandations en matière de stockage de masques, médicaments…
  • Mais il est plus facile de prévoir une épidémie, surtout quand celle-ci a déjà démarré, que d’anticiper la résilience des systèmes de santé et de cohésion sociale en cas d’épidémie ou de toute autre catastrophe écologique, nucléaire ou d’aléa climatique… Car en réalité, les décideurs reçoivent à flux continu des signaux d’alerte de toute sorte. Dernièrement, les menaces terroristes et les conséquences du changement climatique prenaient le pas sur toute autre considération. Quant au ministre de la santé lui-même il passe son temps à faire face aux soubresauts du système de santé, qui naissent des inquiétudes et revendication des différents groupes sociaux, professionnels ou associations de patients, à propos des carences de tel ou tel besoin de santé. Dans ce contexte, les lanceurs d’alerte et les signaux dits « de bas bruit » n’ont pas suffi pour être entendus ni par les gouvernants ni par la société dans son ensemble
  • Plus fondamentalement encore, la perspective d’une maladie contagieuse transmise par l’homme, potentiellement mortelle et susceptible de se diffuser rapidement dans la population, bien que très présente dans les récits de science-fiction, avait disparu des récits familiaux, et ne faisait plus partie de l’imaginaire social y compris celui des professionnels de santé. Comme le souligne le Dr Jean-Paul Canevet, ancien enseignant de médecine générale « la peur séculaire de la contagion était permanente dans la société traditionnelle et jusqu’à la seconde guerre mondiale. Depuis le milieu du 20ème siècle, les progrès de la médecine nous ont « vaccinés » contre la crainte des maladies infectieuses. Les derniers cas de poliomyélite datent des années 50 avant que la vaccination n’en vienne à bout, la découverte des antibiotiques et leur usage massif depuis les mêmes années, la régression de la tuberculose depuis les années 60 ont permis à un climat de totale sécurité infectieuse de s’installer. Ayant connu la faculté de médecine à la fin des années 60, je peux témoigner de ce sentiment de toute puissance qui animait les médecins face aux maladies infectieuses : celles contre lesquelles nous avions des armes, mais aussi celles qui n’étaient pas encore vaincues dont ma génération ne doutait pas qu’elles céderaient facilement grâce aux découvertes futures, ce qui n’a pas manqué d’arriver par exemple pour la rougeole et la rubéole vite jugulées par la vaccination. Dans les années 80, l’irruption du SIDA est venue tempérer cette illusion d’omnipotence, mais le mode sexuel de la contamination, la prévention individuelle qu’il permet, ainsi que la découverte, quelques années plus tard, de médicaments efficaces a facilité le retour à une certaine quiétude médicale et sociale. La crise du virus H1N1 annoncée comme une catastrophe et devenue une « gripette » n’a pas permis le retour à la lucidité. Il en a été de même pour le SRAS en 2003, épidémie lointaine et vite stoppée grâce aux mesures de quarantaine. Quant à l’épidémie Ebola, en 2014, elle est restée dans les mémoires comme une maladie africaine, éloignée de l’Europe. Seule l’émergence de la résistance bactérienne aux antibiotiques a, ces dernières années, réveillé un début d’inquiétude chez les professionnels de santé. Ce vécu plutôt serein du risque infectieux parmi les professionnels de terrain a conditionné en grande partie la représentation qu’en a construite l’ensemble de la société, ce qui s’est manifesté ces dernières années par le relâchement des mesures de prévention du SIDA, ou les résistances à la vaccination qui se répandent dans certains secteurs de la population. »
  • La conduite des politiques de santé est en réalité un chemin étroit, entre d’importants courants d’opinion qui s’opposent avec force aux obligations vaccinales et une opinion publique toujours en attente d’une meilleure protection contre tous les risques. La pandémie du CovID-19 a déjà entraîné des conséquences spectaculaires en matière de paralysie économique et le bilan sanitaire s’alourdit tous les jours, dans la province du Huwei (Chine), dans une grande partie de l’Europe, maintenant aux États-Unis et progressivement sur les autres continents.
  • Quand l’épidémie aura fini d’envahir les unes des journaux, une nouvelle phase s’ouvrira pour tirer les enseignements de l’épidémie, au niveau français, européen et mondial, et gageons que les politiques de santé vont être profondément impactées dans les années à venir par une pandémie de cette ampleur, la première depuis un siècle. 


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