CARTON ROUGE POUR LES DÉPUTÉS

Suppression de l'obligation vaccinale

Pour faire un coup politique, les députés de gauche n’ont pas hésité à mêler leurs voix à celles de l’extrême droite avec pour seul bénéfice d’avoir damé le pion à la majorité relative macroniste, opposée à l’abrogation et favorable à la suspension.

Mais quelle mouche a donc piqué les députés qui, le 4 mai dernier, ont voté l'abrogation de l'obligation de vaccination Covid pour les soignants en vigueur depuis aout 2021 ?

L’enjeu sanitaire était faible car la proposition de loi d’abrogation votée ce jour là ne revenait pas sur la décision, déjà prévue par le gouvernement, de suspendre par décret cette obligation. De fait, la majorité comme l’opposition convergeaient sur la réintégration de la toute petite minorité de soignants non vaccinés, parfois inquiets de bonne foi, mais parfois aussi militants farouches, voire complotistes, contre la vaccination.

La proposition de loi votée en première lecture prévoit l’abrogation pure et simple de cette obligation, là où la suspension aurait permis de la rétablir de façon réactive par décret en cas de reprise de la pandémie. Sans attendre l’éventuelle adoption de la loi à l’issue de la navette parlementaire, le décret de suspension a été publié le 13 mai, permettant déjà de réintégrer les personnels soignants non vaccinés dès le 15 mai.

L’enjeu du projet de loi paraît donc plus politique que sanitaire. Faisant fi de l’avis quasi unanime de la communauté soignante, une majorité de députés de bords opposés a décidé de faire droit à la revendication des soignants non vaccinés.

faire un coup politique

 Pour faire un coup politique, les députés de gauche n’ont pas hésité à mêler leurs voix à celles de l’extrême droite avec pour seul bénéfice d’avoir damé le pion à la majorité relative macroniste, opposée à l’abrogation et favorable à la suspension.

De la part de LFI rien d'étonnant puisque avec opiniâtreté, depuis 2 ans ses députés s’opposent à cette obligation : sans considération pour les nécessités de santé publique, et au nom d'une probable posture libertaire ou bien encore par défiance sans discernement vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, ils défendent les soignants non vaccinés.

À droite et à l’extrême droite pas d’étonnement non plus car certains députés avaient milité contre cette obligation, sans doute sous l’influence d’une partie de leur électorat.

Mais de la part de la gauche socialiste ou communiste, cette gauche traditionnellement attachée à la santé publique, au respect des données de la science et au développement de l'éducation populaire, ce vote reste incompréhensible. Ces députés de gauche, qui ne s’étaient jusque là pas manifesté pour s’opposer à l’obligation vaccinale, ont suivi leurs collègues des départements d’outre mer qui connaissent une forte proportion de soignants hostiles à la vaccination Covid. Les députés qui ont voté cette abrogation s'abritent derrière la position de la Haute Autorité de Santé qui, dans un avis du 30 mars 2023, a jugé que l'évolution de la situation sanitaire justifiait d’en finir avec l’obligation vaccinale tout en conseillant le maintien d’une forte recommandation non opposable aux réfractaires. 

une position vivement critiquée par le monde des soignants

Cette position a été vivement critiquée par la quasi totalité du monde médical et hospitalier car elle s’appuie uniquement sur les données chiffrées de l’évolution de l’épidémie, sans considération ni pour les aspects éthiques et d’acceptabilité sociale ni pour la culture professionnelle commune des soignants, dont elle renvoie l’appréciation au Comité consultatif national d'éthique. Dans un avis de mars 2021, ce CCNE considérait pourtant que la vaccination Covid était « une exigence déontologique » pour tous les professionnels de santé depuis bien longtemps soumis à plusieurs obligations vaccinales.

L’immense majorité de la communauté soignante forte d’une culture professionnelle soucieuse des exigences déontologiques et de la protection des malades s’inquiète fortement du retour de ces collègues en rupture avec les principes éthiques et scientifiques qui guident le soin.

En approuvant la proposition de loi d’abrogation, les députés n’ont pas pris en compte ces considérations éthiques et scientifiques, ils n’ont pas anticipé les tensions qui vont apparaître lors du retour des non vaccinés dans les équipes de soin. En contradiction avec la tradition de la gauche, les députés socialistes et communistes ont fermé les yeux sur le déficit d’éducation en santé qui explique une grande part des idées fausses sur la vaccination. Ils ont pris le risque d’aggraver la défiance dans les vaccinations déjà présente dans une partie de la population. Et ils ont permis aux soutiens du gouvernement et aux députés qui le soutiennent de se présenter en défenseurs de la science et de la santé publique tout en autorisant la réintégration des non vaccinés.

Pr Jean-Paul Canevet

publié le 8 juin 2023


Le texte, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, a été transmis au Sénat. Mais sa date d'examen par la deuxième Assemblée n'est pas connue. Il n'est pas impossible que ce texte ne soit jamais examiné par le Sénat. Ce ne serait pas la  première fois. (La proposition de loi relative à la généralisation du Nutriscore, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, n'a jamais été présentée devant le Sénat).

NOTE DE LA RÉDACTION



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