Protection maternelle et infantile : à l'interface

entre les familles et les politiques publiques

Médicalisation du social, outil de contrôle social ou dispositif de promotion de la santé physique et psychique des enfants et des parents ? A quoi sert la PMI, 75 ans après sa création ?

Pour éclairer ces questions, les auteurs de l’ouvrage, psychosociologue pour l’un et médecin de PMI et psychanalyste pour l’autre, nous proposent une découverte de cette institution au travers du prisme des sciences humaines et sociales. Après une  approche descriptive qui n’échappe pas toujours à l’hagiographie, les enjeux institutionnels et politiques qui traversent les services de PMI sont analysés.

 

Destinée, à sa création en 1945, à lutter contre la mortalité infantile et les problèmes nutritionnels et infectieux, la PMI a dû faire face dans les années 70 à une transition majeure vers des objectifs de promotion de la santé de l’enfant et de prévention des maladies psychosociales. Dès l’origine, la mise en œuvre de cette politique a été confiée aux services départementaux de l’État, puis aux départements après la loi de décentralisation de 1984. Mais depuis l’Ordonnance de 1945 créant la PMI, et jusqu’à aujourd’hui, d’autres acteurs mettent en œuvre la politique de PMI, ce qui n’est pas rappelé dans l’ouvrage : la médecine de ville et l’Assurance Maladie sont mobilisées au travers des consultations prénatales obligatoires et de 20 consultations obligatoires pour les enfants de 0 à 6 ans, prises en charge à 100%. La vocation universaliste de la PMI destinée à la santé des femmes enceintes et des enfants de moins de six ans, rappelée par les auteurs, est actuellement contredite par la réalité statistique : seuls 15% des enfants de cette tranche d’âge y ont bénéficié d’une consultation médicale en 2012, chiffre très variable selon les départements. Et les enfants des familles les plus défavorisées y dominent. Les nombreuses missions de la PMI sont rappelées : autorisations des établissements d’accueil de jeunes enfants, agrément des assistantes maternelles, planification familiale, consultations prénatales, consultations d’enfants, bilans de santé en école maternelle. Les auteurs soulignent les fortes disparités de réalisation de ces missions entre les départements : seuls six départements sur dix satisfont aux normes légales d’activité relative au suivi des enfants.

 

Mais des sujets centraux, déterminants pour l’avenir de la PMI et liés à la contradiction entre sa mission universaliste et la réalité de ses activités sont peu abordés : par exemple la très faible préoccupation pour les pères, l’absence de coopération avec la médecine libérale ou le partage des missions avec d’autres services, rendu difficile par une « volonté d’omnipotence » selon les auteurs. Ils n’évoquent pas non plus la défiance des publics les plus en difficulté, par résistance à la norme sociale, ou par autoprotection vis à vis d’un service vu comme susceptible de retirer les enfants de leur famille, ou de s’opposer à l’agrément d’assistante maternelle. 

 

Les tensions et contradictions qui ne manquent pas d’affecter les pratiques des nombreuses catégories professionnelles (infirmiers, médecins, auxiliaires de puériculture, puéricultrices, assistantes sociales....) qui y travaillent, quasi exclusivement féminines, sont disséquées. L’analyse fine de ces tensions bénéficie du recours à la sociologie des organisations et au décryptage des concepts polysémiques et disparates auxquels se réfèrent les pratiques : soins de santé primaire, santé publique, prévention, promotion de la santé, santé communautaire, care.... Ainsi est détaillée l’hétérogénéité du concept de prévention selon son usage dans le champ strictement somatique et médical, ou dans les champs du psychologique et du social. Les dilemmes auxquels les professionnels sont confrontés ne sont pas oubliés : entre  le respect de la singularité de chaque bénéficiaire ou les exigences de santé publique ou encore l’orientation des politiques publiques destinées à faire le « bonheur » des familles, la réflexion éthique s’impose souvent. Plus inattendu, le recours au corpus psychanalytique, pour opposer le soin d’un enfant singulier aux missions de santé publique, n’est pas toujours convainquant. L’évocation des nombreuses structures intervenant aux frontières des missions de PMI (ASE, REAAP, PIF...) aurait bénéficié d’un répertoire des acronymes.  Malgré ces limites, à l’issue de l’ouvrage, le lecteur, averti ou profane, dispose d’une assez large information pour lui permettre de participer à la réflexion et au débat citoyen sur l’avenir de la politique de PMI. 


L'institution PMI - Entre clinique du sujet et politique publique

Elian DJAOUI, psychosociologue,

Françoise CORVAZIER, médecin de PMI, psychanalyste

Presses de l’EHESP, 2018