"Ramsay santé" expérimente la rémunération à la capitation

Après avoir racheté le groupe suédois Capio, en 2016, qui gère une centaine de centres de santé en Suède, Ramsay santé, premier groupe hospitalier privé français, commence à expérimenter en France le modèle suédois de rémunération à la capitation. Pendant ce temps-là, le DG de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille s’alarme de la vente des centres de santé de la Croix rouge, à Marseille, au dit groupe. 

Deux centres de santé « expérimentaux », avec rémunération des professionnels à la capitation, et accès aux soins sans avance de frais, viennent d’ouvrir à Bourg-de-Péage et à Pierrelatte dans la Drôme.

Trois autres ouvertures sont prévues dans les prochains mois, toujours dans un cadre expérimental (article 51).

       Dans une tribune au « Monde » publiée le 9 février dernier (réservée aux abonné), le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, François Cremieux, s’inquiète du fait que les centres de santé de la Croix-Rouge française implantés à Marseille sont susceptibles de quitter le secteur associatif pour être repris par un groupe de santé privé, Ramsay santé. « Au-delà des bâtiments, ces centres de santé constituent un patrimoine humain avec les équipes médicales, soignantes ou sociales depuis toujours engagées dans le secteur associatif. Ces centres sont aussi pour les populations qu’ils desservent depuis des décennies le repère d’une offre de soins accessible à tous, aujourd’hui et, le pensaient-elles jusqu’à présent, pour l’avenir », affirme le haut fonctionnaire. 

Ramsay santé a racheté une centaine de centres de santé en Suède et une trentaine au Danemark

       Le futur propriétaire de ces centres, si la transaction actuelle aboutit, serait Ramsay Santé. Après le rachat de la générale de santé en 2015, puis d’un groupe suédois Capio en 2018, Ramsay Santé est devenu l’un des leaders européens de l’hospitalisation privée. Il compte aujourd’hui 36 000 salariés et travaille avec près de 8 600 praticiens libéraux, répartis entre cinq pays dont, en plus de la France, la Suède, la Norvège, le Danemark et l’Italie. Cette entreprise est la branche française de Ramsay Health Care, coté en Bourse à Sydney, avec une valeur estimée à 12,2 milliards €. L’arrivée de cet établissement lucratif dans le secteur des soins primaires suscite toutefois certaines inquiétudes.

 

       Ramsay santé dispose déjà de trois centres de santé en Ile-de-France à Pontault-Combault (Seine-et-Marne), à la maison des peupliers de Paris (déjà rachetée à la Croix rouge Française) et à Yssingeaux (dans la banlieue lyonnaise). Le pôle de santé de Pontault-Combault propose, outre un service d’accueil non programmé de patients 7 jours sur 7 (de 8 h à 22 h 30), des consultations de médecins généralistes et spécialistes. Sans oublier un plateau technique d’imagerie disposant d’un scanner. En sus de la négociation concernant les centres de santé de Marseille, la Croix-Rouge française est en négociation avec le groupe Ramsay pour le rachat de six centres de santé supplémentaires en Ile-de-France, deux à Paris et quatre dans les Hauts-de-Seine, 62 000 patients étant concernés.

 

       Le groupe Ramsay santé dispose d’un savoir-faire dans ce domaine après le rachat en 2018 du groupe de cliniques suédois Capio, qui, en sus d’une centaine d’établissements de santé, compte 104 centres de soins primaires. Ces structures de premier recours, employant en moyenne une trentaine de personnes (médecins, personnel soignant, psychologue, secrétariat…) suivent environ 10 % de la population suédoise. Tandis qu'en France les maisons de santé pluridisciplinaire (MSP) fonctionnent toujours au paiement à l'acte, en Suède a été mis en place depuis 2010 un système dit par « capitation ». La structure est rémunérée entre 65 % et 95 % par la région sur la base de forfait. A titre d'exemple, pour un homme de moins de 40 ans sans pathologie, celui-ci est de 46 euros, quand il sera d'environ de 300 euros pour une patiente de plus de 85 ans souffrant de deux pathologies chroniques. Le solde (de 5 % à 35 %) est réglé en fonction de critères de qualité. Pour compléter son offre de soins primaires, Ramsay santé a annoncé depuis l'acquisition de la société danoise WeCare qui opère 32 centres de médecine de ville au Danemark.

       

      Dans un article du quotidien économique « les échos », le directeur général de Ramsay santé, Pascal Roché, annonçait le lancement fin 2021 en France d'une expérimentation de nouvelles structures de soins de proximité, dans le cadre de l'article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale ouvrant la possibilité́ de mettre en œuvre des expérimentations dérogatoires. Deux centres de santé « expérimentaux », avec rémunération des professionnels à la capitation, et accès aux soins sans avance de frais, viennent d’ouvrir à Bourg-de-Péage et à Pierrelatte dans la Drôme, et trois autres ouvertures sont prévues prochainement, toujours dans un cadre expérimental.

Le ministre de la santé interpellé au Sénat

     En France, l’offre de soins hospitaliers repose sur trois types d’établissements : les hôpitaux publics, les établissements gérés par des associations, des fondations, des mutuelles… et les établissements dits « privés lucratifs », et personne n’envisage de remettre en cause cet édifice. L’organisation des soins de premier recours n’est pas du tout construite sur le même modèle. La majorité des soins sont délivrés par des médecins libéraux exerçant seuls, en groupe, voire en maisons de santé pluriprofessionnelles (1 800 MSP) pour 10 % environ des praticiens libéraux, ou en centres de santé avec des médecins salariés. Les établissements lucratifs n’étaient jusqu’à présent pas implantés dans ce secteur du soin.

       Interrogé par une sénatrice Emilienne Poumirol le 16 février dernier, le ministre de la santé, Olivier Véran, a indiqué que le ministère de la santé ne disposait d’aucun outil juridique pour empêcher la transaction entre la Croix Rouge et Ramsay santé (d’autant que ce n’est pas la première de ce type). Cette arrivée du secteur lucratif dans le secteur des soins de premier recours suscite des inquiétudes, et l’on peut comprendre les interrogations du directeur général des hôpitaux de Marseille mais c’est bien la première fois qu’un directeur de CHU s’inquiète à ce point de l’avenir de la médecine ambulatoire. Une chose est sûre, la médecine générale est devenue une spécialité attractive.


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