Pollution atmosphérique et mortalité

Le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a classé les émissions des moteurs diesel comme "cancérogènes" avérés (groupe 1). Il s'agit de la définition – étayée par des preuves scientifiques sur l'animal et l'homme – d'un danger. Cette notion est différente de celle de risque (de maladie ou de décès) qui peut dépendre de la nature des agents nocifs, ainsi que du niveau et de la durée d'exposition. L'agence "Santé Publique France" [1] a tenté de mesurer, en 2016, la mortalité en relation avec l'exposition à ces particules. Ce calcul est basé sur un modèle basé sur des hypothèses, puisque les causes de la mortalité déclarée ne comportent pas la mention "pollution aux particules fines". 

Les agents toxiques en cause sont les particules, solides ou liquides, constituées de sulfates, nitrates, ammonium, chlorure de sodium, carbone, autres minéraux et eau. Elles pénètrent les poumons et peuvent être absorbées causant des maladies cardio-vasculaires, respiratoires et des cancers du poumon. Les plus dangereuses sont celles dont la taille est inférieure à 10 microns (PM10, Particulate Matter en anglais), et surtout celles de taille inférieure à 2,5 microns (PM2,5) (particules fines).

Les concentrations de ces particules sont exprimées en mg/m3 d'air, et diverses recommandations nationales ou internationales font état de limites à ne pas dépasser, en moyenne annuelle ou en moyenne journalière avec des seuils d'information et des seuils d'alerte. Par exemple, en moyenne annuelle, les limites sont de 20 à 40 mg/m3 pour les PM10, et de 25 à 10 mg/m3 pour les PM2,5.

 

Comment dénombrer les décès liés aux particules fines ?

La méthode utilisée a été d'appliquer, à une population française métropolitaine, le risque, connu sur des échantillons, du nombre de décès sur une période en lien avec un niveau de pollution pour les particules fines par niveau de 10 mg/m3. Le nombre de décès (toutes causes, et non pas spécifiquement des causes liées à la pollution) est calculé à partir des données de l'Inserm (causes médicales de décés), et la pollution est connue par le modèle Gazel-Air qui estime les concentrations annuelles de PM2,5 entre 1989 et 2008 sur une maille de 2 km de côté en France métropolitaine. Seuls les adultes de 30 ans et plus ont été concernés.

 

Résultats

Les publications connues font état d'un excès de risque entre 6 à 15 % d'augmentation de décès par palier de 10 mg/m3 (sorte de risque relatif de 1,06 à 1,15). Naturellement, se pose la question de la référence : est généralement retenu un niveau de pollution presque "nul" que l'on retrouve dans les communes rurales non polluées (souvent de montagne, sans aucune activité humaine, soit 5 % des communes), qui ont des concentrations de particules PM2,5 < 5 mg/m3.

Dans ces conditions, avec un excès maximum de 15 %, et la référence la plus basse, on dénombrerait en France, chaque année, 48 000 décès imputables à la pollution (intervalle de confiance de 17 500 – 74 400 en arrondissant). On peut aussi calculer que 9 mois d'espérance de vie seraient perdus.

Cependant, selon le niveau de référence (communes peu ou moyennement polluées) et selon les recommandations respectives de l'OMS (référence de 10 mg/m3 avec 76 % d'exposés), du Grenelle de l'environnement (référence de 15 mg/m3 avec 26 %) ou d'une directive européenne (référence de 20 mg/m3 avec ≈ 0 %), le nombre de décès pourrait être de 18 000, ou de 3 100, ou de ... 11. En utilisant des risques relatifs plus faibles que 1,15, les effectifs de décès seraient encore plus bas. Les excès de décès se trouvent dans les grandes agglomérations de plus de 100 000 habitants.

 

Analyse

On voit donc que le scénario de 48 000 décès (toutes causes) par an imputables à la pollution atmosphérique, utilisé par les médias ou les partis politiques ou les associations d'usagers, est le résultat de nombreux calculs, liés à des choix, avec des expositions aux particules fines modélisées, ainsi que l'utilisation des risques relatifs les plus élevés et en références à des communes sans pollution.

On peut considérer ce nombre comme fragile au regard des calculs et des références, et largement utopique dans la mesure où la référence est une région idéale sans activité humaine avec un air pur. Il faut sans doute relativiser et prendre des références avec des activités humaines habituelles, qui amènent à des calculs différents (de 18 000 à ...11). Dans ces conditions, la comparaison avec le nombre de décès annuels imputables au tabac (calcul également modélisé) de 78 000, à l'alcool (modélisé) de 49 000, ou des accidents de la route (observés) de 4 400, est sans doute illusoire.

Enfin, il faut noter que la pollution aux particules fines ne cesse de baisser en concentration depuis l'année 2000 de 41 % pour les PM10 et 48 % pour les PM2,5 (figure). Néanmoins, les seuils d'information et d'alerte ont été modifiés en 2005 et 2015 [2], et les messages de pollution ont été ainsi plus fréquents, donnant l'impression pour les médias et les usagers que la pollution augmente...

Au final, quels que soient les scénarios, et en raison de la pollution par d'autres produits toxiques (dioxyde de souffre, oxydes d'azote, ozone, métaux lourds...), la pollution atmosphérique reste bien entendu trop élevée dans certaines zones selon l'Agence européenne de l'environnement [3]. L'origine principale des particules n'est pas uniquement due au trafic automobile au fioul (15 %), mais aussi au chauffage des bâtiments au fioul et surtout au bois (33 %), aux industries (31 %), à l'agriculture (20 %) en se concentrant sur les communes les plus gravement atteintes (communes de plus de 100 000 habitants et zones industrielles). Enfin, la morbidité (maladies dues à la pollution par les particules fines) reste actuellement mystérieuse en l'absence de données nationales de morbidité.

Dr Bernard Branger


Définition : Les particules en suspension (« PM » en anglais pour « Particulate matter ») sont d’une manière générale les fines particules solides portées par l’eau ou solides et/ou liquides portées par l’air (Wikipédia). Pour faire simple, les particules fines, c’est de la poussière. Dans le cas de la pollution de l’air, ces poussières sont souvent issues de combustions qui ne sont pas totales. Elles génèrent ce qu’on appelle des imbrûlés. Quand on voit la fumée sortir du cheminée, d’un pot d’échappement ou quand on recrache de la fumée de cigarettes, c’est parce qu’il y a énormément de particules, de plus ou moins petites tailles. Source : association RESPIRE.

[1] Pascal M, et al. Analyse des gains en santé de plusieurs scénarios de la qualité de l'air en France. BEH 2016, 26-27, 430-7

[2] Bilan de la qualité de l'air en France en 2017. https://www.citepa.org/fr/

[3] Agence européenne pour l'environnement. La pollution atmosphérique reste trop élevée dans l'ensemble de l'Europe. 2018. 7 pages. https://www.eea.europa.eu

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