Nutrition : la cacophonie gouvernementale

En 2001, lors du premier Programme National Nutrition Santé (PNNS1), la France faisait figure de pionnier. Pour la première fois, les questions nutritionnelles (activité physique, alimentation) étaient portées au premier rang de l’action publique. Mais la plupart des objectifs des plans successifs n’ont pas été atteints. Et aujourd’hui, trois plans gouvernementaux différents viennent d’être publiés simultanément sur ce sujet : le PNNS4 et les plans du Ministère des sports et du Ministère de l’agriculture. Une vraie cacophonie !

"La santé dans toutes les politiques..."

Comme l’a proclamé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2013 (déclaration d’Helsinki), « l’inscription de la santé dans toutes les politiques » est une nécessité tant les déterminants de la santé sont liés au moins autant à des facteurs sociaux qu’au développement du système de soins. Cette conviction est aujourd’hui largement partagée et s’est traduite en France par la création du Comité interministériel santé, auprès du premier ministre. Mais les trois ministères des Sports, de l’Agriculture et de l'Alimentation (MAA) et des Solidarités et de la Santé (MSS) viennent de nous livrer pendant l’été 2019 une séquence qui illustre les difficultés de concrétiser une vraie politique interministérielle en santé.

En effet, ces trois ministères viennent de produire chacun leur propre plan relatif à l’activité physique et/ou à l’alimentation. Le premier à dégainer a été le Ministère des sports qui a décliné en juin dernier sa « Stratégie nationale sport et santé 2019-2024 ». Le Ministère de la santé a grillé la politesse au ministère de l’agriculture en publiant le 4ème Plan national nutrition et santé, 2019-2023 (PNNS4) le 20 septembre quelques jours avant que le Ministère de l’agriculture rende public son plan national alimentation nutrition (PNAN). Les efforts du ministère de l’agriculture pour introduire un peu plus de confusion dans la communication gouvernementale doivent être soulignés puisque ce ministère publie, en même temps que le PNAN, le Plan national alimentation (PNA)… Avec la publication quasi simultanée de ces quatre documents, on atteint le degré zéro de la communication politique, le premier ministre ne semblant pas en mesure d’imposer à ses trois ministres de parler d’une même voix.

 

Autre initiative qui montre la faible volonté politique d’agir dans ce domaine. La proposition de loi n° 354 visant à rendre obligatoire l’apposition du logo Nutriscore dans les écrans publicitaires des médias se trouve sur le bureau du Sénat depuis le 22 février 2019, après une approbation à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Depuis, la proposition de loi qui ne contient que 3 articles est toujours sur le bureau du Sénat… mais ni le gouvernement, ni l’opposition ne semblent prêts à inscrire ce document à l’ordre du jour.

Le Nutriscore marque des points

Malgré cette cacophonie, le Nutriscore continue à marquer des points. Le petit logo commence à faire son apparition de manière significative dans les supermarchés, Fleury Michon, Bonduelle ou Marie, Céréales et Panzani … et plus de 200 entreprises et marques l’ayant déjà adopté. D’ici à la fin 2019, 70 % des produits ultra-frais Danone auront le marquage Nutri-Score, et Carrefour vient, après Auchan et Intermarché, d’annoncer vouloir apposer l’étiquetage sur 7 000 de ses produits de marque d’ici 2022. Lorsque l’industriel n’a pas choisi de l’afficher, des initiatives citoyennes ont vu le jour pour l’établir. Ainsi Open food Facts a créé une base de données collaborative ouverte à tous et labellisée par Santé publique France (agence nationale sous tutelle du Ministère de la santé), qui liste, pour un maximum de produits en France et à l’international, le Nutri-Score, la composition, les allergènes, les additifs, mais aussi le degré de transformation du produit.

 

Cela se traduit par une visibilité de plus en plus grande du logo auprès de la population, comme le montre l’étude publiée par Santé publique France. Dernier exemple en date, la une du quotidien Ouest-France du 27 octobre dernier (voir photo).

Au niveau européen, quatre pays ont décidé, en plus de la France, d’avoir recours à cet étiquetage nutritionnel ; la Belgique, la Suisse (en même temps que le géant Nestlé), l’Espagne, et maintenant l’Allemagne. Même si 9 français sur six se disent favorables à ce que le logo Nutriscore devienne obligatoire selon Santé publique France, une décision européenne est nécessaire pour l’imposer à toute la filière agro-alimentaire. Autant dire que les lobbystes fourbissent leurs armes pour empêcher ladite réglementation d’être étudiée par la commission européenne.

Une initiative citoyenne européenne, baptisée « Pro-Nutri-Score », a pourtant vu le jour. En mai dernier, sept associations de consommateurs de plusieurs pays dont UFC-Que choisir ont lancé une pétition en ligne. Un million de signatures d’au moins sept pays sont nécessaires, avec des seuils minimaux pour chacun d’entre eux. Pour soutenir cette initiative, il faut renseigner le formulaire électronique qui a reçu pour le moment 80 000 signatures. La France a pratiquement atteint son quota, devant les Pays-Bas. Tous à vos claviers !                                             

 Source : Le Monde, Santé Publique France

 


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