La Haute autorité de santé veut, elle aussi, porter le débat public en santé

Un rapport de plus, pourrait-on dire après la parution du rapport prospectif sur le système de santé de la Haute autorité de santé (HAS*) en juin dernier ! En six mois, c’est le quatrième rapport d’études consacré à l’avenir du système de santé, après ceux de la Cour des comptes, du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, et de la Caisse nationale d’assurance maladie. 

Le grand public ne connaît pas bien la HAS, cet organisme chargé de l’évaluation des pratiques de soins - et notamment de la certification des établissements de santé - et de l’élaboration des recommandations professionnelles ! Toutes ces données sont disponibles sur son site internet. Parmi la quinzaine d’agences sanitaires qui apportent leur expertise à la décision publique en santé, à côté des services du ministère de la santé, la HAS s’est imposée depuis sa création en 2004 comme un acteur de premier plan dans ce paysage très concurrentiel. L’agence tient sa renommée de la qualité de ses travaux, grâce notamment aux moyens importants dont elle dispose (52 millions d’euros de budget annuel, 400 collaborateurs permanents soit 100 de plus que la Direction générale de la santé elle-même). Mais sa force tient surtout au réseau de plusieurs milliers d’experts et de professionnels en exercice qu’elle a constitué et qui contribue à l’élaboration de ses recommandations. La HAS a ainsi tissé des liens forts avec les acteurs de terrain que les autres institutions ne peuvent revendiquer. 

 

Récemment, trois nouvelles prérogatives ont renforcé ses pouvoirs. Depuis le 1er avril 2018, l’agence d’évaluation du secteur social et médico-social, l’ANESMS a intégré la HAS, et les attributions de la HAS se sont donc étendues à l’ensemble du parcours de soins. Le comité technique des vaccinations (CTV), qui est notamment chargé d’élaborer chaque année le calendrier vaccinal, n’est plus rattaché au Haut conseil de santé publique (HCSP), mais à la Haute autorité de santé. Enfin, depuis l’ordonnance du 26 janvier 2017 (la HAS était présidée à l’époque par l’actuelle ministre chargée de la santé, le Pr Buzyn), la HAS est chargée de fournir chaque année un point de vue prospectif sur un sujet de son choix, assorti de propositions d'amélioration de la qualité, de l'efficacité et de l'efficience du système de santé. 

Le premier rapport prospectif de la HAS, rendu public en juin dernier, contient 21 propositions. Cinq grandes orientations sont retenues, relatives à l’évaluation des pratiques (passer d’une évaluation des processus à l’évaluation des résultats), à l’organisation de la régulation du système de soins, aux conditions de fixation des tarifs des prestations (actes, médicaments…), au traitement des données de santé (définition d’une stratégie d’utilisation de ces données) et à la démocratie sanitaire. 

 

En ce qui concerne ce dernier point, la Haute autorité propose d’institutionnaliser le débat public en santé (propositions 20-21). La HAS rappelle que le débat public en santé « ... n’est pas le débat public au sens des échanges, parfois polémiques, entre les membres, organisés ou non, d’une société humaine. Il s’agit d’un mécanisme de démocratie participative préparatoire à la décision publique postulant que cette décision gagne à être documentée par l’opinion des citoyens. Ce débat public n’est pas un débat « en public » ni une opération de communication même s’il doit trouver de l’écho dans le grand public ». Déterminer un périmètre, choisir des sujets, définir une méthode : tout est sur la table, et la Haute autorité considère qu’elle a toutes les qualités, en tant qu’entité indépendante, pour prendre en charge cette mission. Pas sûr toutefois que les autres acteurs partagent ce point de vue ! L’organisation du débat public en santé relève en effet, par la loi, du Comité consultatif national d’éthique (lois de bioéthique), de la Conférence nationale de santé (CNS), des conférences régionales de santé et d’autonomie (CRSA)… En dehors du système de santé, la Commission nationale du débat public a construit elle aussi une véritable expertise dans ce domaine ! Quant au pouvoir politique, il ne souhaite pas perdre le contrôle du débat sur les politiques de santé, la Stratégie nationale de santé n’ayant même pas été présentée au Parlement. 

 

De manière générale, le rapport prospectif de la HAS délivre une vision très centralisée des évolutions nécessaires de notre système de santé aussi bien sur le plan de la régulation que du débat public. Face à un système de santé sous fortes contraintes, la réflexion régionale est totalement absente, les termes de région et ARS n’étant d’ailleurs jamais utilisés dans le texte. Le modèle centralisé de régulation est pourtant à bout de souffle ! Il est temps de rechercher des solutions innovantes qui tiennent compte des disparités de dépenses de santé par habitant**, de la diversité des pratiques professionnelles (regroupements de médecins, pratiques d’antibiothérapie, incitations à la vaccination…) et des résultats de santé obtenus, afin de mobiliser les professionnels et la population autour de données comparatives entre régions. 


*La Has a succédé en 2004 à l’Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation en santé (ANAES), qui elle-même avait remplacé l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale (ANDEM), créée en 1990. 

**En 2008, la consommation de soins remboursée par personne résidant en Provence Alpes Côte d’Azur était de 26 % plus élevée que celle remboursée dans les Pays de la Loire (CNAM-Point d’information, 22 octobre 2009). Depuis, ces chiffres n’ont jamais été actualisés officiellement.