convention mÉdicale

Le ton monte

Les représentants des médecins libéraux et de l’assurance maladie s’affrontent depuis plusieurs mois, à propos de la revalorisation du tarif des consultations médicales. Mais l’assurance maladie n’a pas encore fait connaître ses intentions dans ce domaine, et le ton monte entre les différents interlocuteurs.

Les écarts de revenus entre spécialités sont considérables.
Le revenu des radiothérapeutes est plus de quatre fois plus élevé (34 710 € par mois) que celui des pédiatres, des psychiatres, des généralistes ou des dermatologues.

La séance de négociation de la convention médicale réunissant les représentants des médecins libéraux et de l’assurance maladie, le 19 janvier 2023, s’est interrompue prématurément par un constat de désaccord total. Les syndicats médicaux ne veulent pas poursuivre leurs échanges avec l’assurance maladie alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture une loi qui fait fi du dispositif du médecin traitant et institue un accès direct (encadré) aux infirmiers de pratique avancée, orthophonistes, et masseurs kinésithérapeutes.

 

Des différences de revenus considérables

Dans leur face à face avec l’assurance maladie, les syndicats médicaux ne constituent pas un groupe homogène. Sur le plan conventionnel tout d’abord. La loi connait trois secteurs différents ; 72 % des médecins libéraux relèvent du secteur I, et respectent les tarifs de l'Assurance maladie. C'est le cas de la quasi-totalité des médecins généralistes, mais de seulement la moitié des spécialistes. 23 % praticiens pratiquent des honoraires libres (secteur II). Ces médecins ne sont donc pas directement concernés par ces négociations puisqu’ils peuvent faire évoluer leurs honoraires à leur gré. Des options tarifaires (OPTAM) ont toutefois été introduites pour limiter les dépassements des tarifs de l’assurance maladie. On dénombre par ailleurs 812 médecins libéraux déconventionnés en 2020.

Sur le plan des revenus, les écarts entre spécialités sont considérables. Ceux des pédiatres, psychiatres, généralistes et dermatologues se situent dans le bas de la pyramide des revenus, avec un revenu mensuel inférieur à 7 500 € en 2017. Le revenu des radiothérapeutes est en revanche pratiquement quatre fois plus élevé (34 710 € par mois). Les médecins de médecine nucléaire, les radiologues et les anesthésistes-réanimateurs sont également dans une situation très favorable. 

Source : DREES
Source : DREES

la revalorisation des actes techniques n'est pas au menu des négociations

La négociation se focalise sur le tarif de la consultation. Et pourtant, pour de nombreux praticiens de spécialités, la consultation ne représente qu’une faible part de leurs honoraires : chirurgiens, gynécologues-obstétriciens, radiologues… Leurs actes dits « techniques » sont recensés dans la Classification commune des actes médicaux (CCAM). Mais la CCAM est revalorisée et mise à jour rarement, par petites touches, les tarifs des actes n’ayant pas forcément grand-chose à voir avec les coûts réels pour les praticiens, selon un rapport de l’Inspection générale et de l’inspection des finances. Pour les praticiens dont l’activité repose principalement sur des actes techniques, la revalorisation des consultations a donc une faible incidence. Difficile de moderniser la CCAM et de la rendre plus proche de la réalité des couts, affirment les experts des affaires sociales et du ministère de l’économie dans le rapport déjà cité. D’autant que la situation actuelle a des gagnants et des perdants et que toute remise à niveau de la CCAM implique non seulement les médecins libéraux mais également la tarification des établissements de santé qui repose sur cet outil.

Un Haut conseil des nomenclatures (HCN) a vu le jour en septembre 2021 dans le but d’effectuer une mise à jour de la nomenclature. Cette nouvelle instance scientifique et indépendante a pour mission de conduire, la révision des 13 000 actes de la nomenclature des actes médicaux afin de prendre en compte l’évolution des pratiques et l’innovation médicale. Un travail de longue haleine…

Une représentation syndicale ÉclatÉe

La convention médicale est un terrain d’affrontement avec une représentation syndicale dont la configuration évolue lors de chaque nouvelle convention. En 1971, lors de la première convention médicale, deux syndicats ont signé la convention, la CSMF (créée en 1930) et la FMF. Aujourd’hui ces deux « historiques » sont toujours présents mais ils sont en concurrence avec 4 syndicats supplémentaires.

Avec le développement des spécialités médicales (51 choix possibles à l’internat), la profession médicale s’est stratifiée, ce qui a notamment abouti à un éclatement de sa représentation. Les médecins généralistes ont ainsi une représentation spécifique, MG France. De la même façon, les spécialistes de blocs chirurgicaux ont leur singularité (Avenir spé, le Bloc). Dans la mesure où les conventions médicales aboutissent à des compromis parfois très éloignés des attentes de la profession, cette situation ouvre un boulevard pour les syndicats contestataires. Le nouveau venu s’appelle cette fois-ci « Médecins pour demain », né en septembre 2022, avec à l’origine, un groupe Facebook initié par Mme Christelle Audigier, généraliste libéral dans la Nièvre. Son mot d’ordre d’une consultation à « 50 euros », soit le double du tarif actuel, a fait mouche dans la profession. Il capitalise ainsi les attentes d’une partie du corps médical dont le niveau de vie régresse.

À plusieurs occasions, le principe d’une convention unique pour tous les médecins quelle que soit leur spécialité a été remis en cause (convention 1997-2005), mais les organisations de médecins se sont violemment opposées à cette mesure et le gouvernement a dû revenir en arrière. 

LES ABSENTS

L’État ne siège pas à la table des négociations. Et pourtant il est très présent, car le ministère de l’économie tient les cordons de la bourse… et le taux de majoration des honoraires médicaux. Les syndicats médicaux savent parfaitement que les décisions budgétaires relèvent du ministère de l’économie.

La fédération des maisons de santé est un autre absent notoire. En effet, près de 20 % des médecins généralistes libéraux exercent aujourd’hui en Maison de santé pluriprofessionnelle, qui reçoivent un soutien de l'assurance maladie, dans le cadre de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), adopté il y a six mois. Mais la fédération qui représente l’ensemble de ces structures n'est pas invitée à la table des négociations.

En évitant soigneusement d’apporter une réponse précise aux questions relatives à la valorisation des honoraires, l’assurance maladie fait monter la pression, et les syndicats avancent cette fois-ci relativement groupés. L’assurance maladie prend ainsi le risque de renforcer le mouvement opposé à la convention médicale. Le syndicat « Union française pour une médecine libre » (qui participe aux négociations) organise, les 2-3 mars prochain, les assises du déconventionnement. 


pour en savoir plus


  • L'effectif des médecins libéraux est globalement stable depuis 20 ans. Parmi les 113 115 médecins libéraux en exercice au 1er janvier 2020, 30 773 exercent en secteur II (27,2 %). La proportion de médecins en secteur II est de 3,8 % pour les généralistes et de 50 % pour les spécialistes (source : AMELI, données les plus récentes à ce jour).
  • Déconventionnement : La loi autorise les médecins à exercer "hors convention". En d’autres termes ces médecins refusent d’adhérer à la convention organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie. Les médecins peuvent ainsi fixer leurs honoraires librement mais en contrepartie, l’assurance maladie ne participe pas au paiement de leurs cotisations sociales. Les assurés sociaux sont remboursés sur la base d'un tarif d'autorité très faible (moins de 2 €). On dénombre 812 médecins libéraux déconventionnés en 2020.
  • Revenus des médecins libéraux - SOURCE - Études et résultats - mars 2022 - 1223. La rémunération des médecins généralistes libéraux dépend du nombre de consultations et visites effectuées, ainsi que des actes techniques (points de suture…) mais également d’un certain nombre de forfaits (15 % du total des rémunérations).
    Il n'existe aucun document équivalent relatif au revenu des médecins salariés exerçant à l'hôpital public ou en ESPIC (établissements non lucratifs).
  • Le syndicat FMF offre un compte-rendu en ligne de chaque rencontre de la convention médicale.
  • Liste des syndicats représentatifs participant aux négociations actuelles
    • Mg France (généralistes)
    • CSMF (généralistes et spécialistes)
    • FMF (G+S)
    • Avenir spé (spécialistes)
    • SML (G+S)
    • Union Française pour une médecine libre Syndicat (UFML-S), syndicat qui organise les 2-3 mars prochains, les assises du déconventionnement.

François Tuffreau

publié le 24 janvier 2023



Commentaires: 0