La loi relative à l'autonomie et au grand âge sur les rails ?

La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a institué une cinquième branche de la sécurité sociale en charge de l’autonomie. La publication à la mi-septembre du rapport Vachey dessine les contours de ce qui pourrait être une réforme structurelle de la prise en charge de la dépendance dans les territoires.

>Un périmètre large

 

>Financements : un choix politique

 

>Organisation territoriale : le retour des Préfets

 

>Un calendrier très serré à quelques mois des présidentielles

 

La ministre déléguée à l’Autonomie, Mme Brigitte Bourguignon, a annoncé au Journal du Dimanche (20 septembre) que le projet de loi consacré au Grand âge ne pourra finalement pas être présenté d’ici la fin de l’année 2020. En lisant le rapport de Laurent Vachey, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA), remis au Gouvernement le 14 septembre 2020, on comprend mieux les hésitations du gouvernement pour finaliser le projet de loi. 

Un périmètre large

Première surprise à la lecture du rapport, Laurent Vachey et ses coauteurs préconisent d’étendre le périmètre aujourd’hui couvert par la CNSA, organisme qui a en charge l’allocation des crédits en faveur de la perte d’autonomie aux Agences régionales de santé (ARS) et aux Conseils départementaux. Divers financements d’État ou de la Sécurité sociale en faveur des personnes âgées et/ou en situation de handicap ou d’invalidité seraient ajoutés au périmètre de la CNSA : l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (1 Md€) depuis la branche famille ; la composante « aide humaine » de l’invalidité (300 M€), l’allocation supplémentaire d’invalidité (260 M€), les unités de soins de longue durée (1 Md€) depuis la branche maladie, ainsi que la part de l’action sociale de la CNAV consacrée aux aides à l’investissement et à l’aménagement du domicile (100 M€) depuis la branche vieillesse. D’autres transferts depuis le budget de l’État sont aussi recommandés : l’allocation aux adultes handicapés (10,6 Md€), l’aide au poste des travailleurs en établissement d’aide par le travail (1,3 Md€) et le programme « habiter facile » de l’ANAH, spécifique aux personnes âgées et en situation de handicap. Si ces recommandations étaient suivies, le périmètre de la branche passerait de 27 Md€ (l’actuelle CNSA) à 42 Md€, ces transferts d’enveloppes ne générant pas de coûts budgétaires.

FINANCEMENTS : un choix politique

Comme les conflits successifs en EHPAD l’ont montré, les ressources consacrées à la perte d’autonomie sont insuffisantes pour couvrir les besoins d’accompagnement en établissements et dans les services. De nombreux scénarios sont envisagés dans le rapport Vachey pour mobiliser des ressources nouvelles en allant puiser dans le Fonds de réserve des retraites (FRR), la CADES (caisse d’amortissement de la dette sociale), Action logement… en augmentant la Contribution sociale généralisée (CSG) des retraités ou en piochant les excédents de la branche famille (qui se sont toutefois évaporés avec le Covid). Des économies sont envisagées (AAH, allocation personnalisée d’autonomie), mais aussi la réduction de certains niches sociales et fiscales. Il est vraisemblable que les décisions les plus douloureuses attendront l’après-présidentielles.

Organisation territoriale : le retour des préfets ?

La gestion de l’autonomie et du grand âge repose au niveau territorial sur deux entités administratives, les Agences régionales de santé (ARS) sous tutelle du ministère de la santé et les Conseils départementaux qui sont des collectivités territoriales disposant de leur propre exécutif. En ce qui concerne le pilotage de ces politiques, le rapporteur ne remet pas en cause cet édifice mais propose de remplacer les schémas gérontologiques actuels (conduits par le conseil départemental et l’ARS) par un contrat départemental pour l’autonomie commun à ces deux entités et associant également les communes. Ce contrat déclinera un programme commun d’organisation de l’offre, depuis le domicile jusqu’aux établissements, selon le modèle des schémas territoriaux de service aux familles. Voici donc les Préfets de retour aux commandes, les comités de pilotage des schémas territoriaux de service aux familles étant présidés par les Préfets, une manière de ressusciter l’organisation en vigueur avant la création des ARS (2010). Par ailleurs, la double tarification (ARS+Conseils départementaux) serait supprimée, l’ARS supportant l’ensemble du budget soins+dépendance, avec la possibilité d’expérimenter dans les territoires volontaires la délégation de compétences au bénéfice des Conseils départementaux.

En ce qui concerne l'ouverture des droits aux aides individuelles, depuis 2015, les Départements ont la possibilité de constituer une Maison Départementale de l’Autonomie (MDA) en mutualisant les fonctions d’accueil, d’information, de conseil, d’orientation et le cas échéant d’instruction et d’évaluation des situations et des besoins, au profit des personnes âgées et des personnes handicapées, fonction actuellement dispersées entre plusieurs services départementaux dont les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH). Une seule MDA a été labellisée jusqu’à présent, celle de la Mayenne. Selon les auteurs du rapport, une généralisation des MDA serait un signal fort pour manifester sur le terrain la création de la branche autonomie ce qui implique nécessairement de revoir le cadre des MDPH. Une mise en commun des moyens d’évaluation pluridisciplinaires entre équipes des MDPH et équipes APA (allocation personnalisée d’autonomie) serait alors nécessaire.

Un calendrier très serré à quelques mois des présidentielles

Le rapport Vachey n’engage pas le gouvernement, et il n’a d’ailleurs pas été mis en ligne sur le site du ministère de la santé, afin sans doute de tester la manière dont ces propositions allaient être reçues par les milieux professionnels et en particulier les Conseils départementaux mais aussi les associations de personnes handicapées. Après six rapports successifs au cours des dernières années, les professionnels s’impatientent. Une autre question centrale dans la future loi du grand âge et de l’autonomie est relative à l’attractivité des métiers (rapport El Khomri) mais cette question ne faisait pas partie de la mission Vachey.

Le calendrier du projet de loi ce précise. Il devrait être présenté devant l’Assemblée  début 2021 a annoncé le Président de la république lui-même. Une phase de "consultation expresse", baptisée le "Laroque de l'autonomie", du nom de Pierre Laroque, résistant et haut fonctionnaire considéré comme le père fondateur de la Sécurité Sociale, est prévue au cours des prochaines semaines. Ce calendrier très serré permettra-t-il d’engager cette réforme tant attendue avant la fin du quinquennat quand on connaît la longueur du chemin parlementaire, avec une opposition sénatoriale, « représentante des territoires », qui ne fera aucun cadeau au gouvernement à quelques mois des présidentielles. 



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