ORGANISATION TERRITORIALE

La proposition de loi "Valletoux" veut faire du "territoire" l'échelon de référence du système de santé.

La PPL Valletoux veut redessiner la cartographie du système de santé en faisant du territoire l’échelon de référence du système de santé, alors que, depuis 20 ans, l’échelon de référence est la région. Et la PPL Valletoux suscite bien d'autres oppositions.

Le ministre de la santé répète à l’envi sa volonté de décliner la politique nationale de santé en fonction des réalités territoriales, en laissant les marges de manœuvre nécessaires aux acteurs et aux territoires.

Depuis sa prise de fonction, le ministre de la santé, le Pr Braun, répète à l’envi sa volonté de décliner la politique nationale de santé en fonction des réalités territoriales, en laissant les marges de manœuvre nécessaires aux acteurs et aux territoires. La Martinique n’est pas la Creuse, et les politiques sanitaires doivent s’adapter aux réalités de terrain.

Le lancement du Conseil national de refondation-Santé (CNR) a été l’occasion de passer aux travaux pratiques en réunissant dans les territoires l’ensemble des acteurs de santé, ainsi que les élus, sous l'égide de l’ARS. Le terme « territoire » désigne le plus souvent le département mais ces réunions ont parfois été organisées à un niveau plus fin.

L’exécutif a décidé de prolonger le fonctionnement des CNR territoriaux pour passer du diagnostic à l’action comme l’a confirmé le ministre lors de l’assemblée plénière du 3 mai (discours du ministre).

Le territoire de santé devient l'échelon de référence

La proposition de loi Valletoux veut faire du Territoire de santé, déjà défini dans le code de la santé publique, l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé (article 1). Une petite révolution administrative puisque, depuis 20 ans, l’échelon de référence est la région. Mais la crise des gilets jaunes est passée par là et l’exécutif a mesuré les conséquences du renforcement des échelons régionaux des administrations de l’État au détriment des échelons départementaux. La création des grandes régions par le président Hollande a encore renforcé la concentration du pouvoir administratif dans les capitales des grandes régions.

Le mouvement est déjà amorcé depuis plusieurs années. La loi de modernisation du système de santé (2016) a ainsi instauré les Plans territoriaux de santé mentale « élaborés et mis en œuvre à l'initiative des professionnels et établissements travaillant dans le champ de la santé mentale » (article L3221-2 du CSP).

le conseil territorial de santé est son organe de pilotage

Dans l’article 1, le Conseil territorial en santé est défini comme l’organe de pilotage des politiques de santé au plan local. « Les professionnels de santé du territoire, réunis au sein du Conseil territorial de santé, s’organisent pour répondre aux objectifs prioritaires … Ils veillent à réduire les inégalités de densité démographique pour les spécialités pour lesquelles ces écarts sont les plus importants … ».

Le Conseil territorial de santé existe déjà. Il se réunit à l’initiative des ARS, à l’occasion de l’élaboration du Projet régional de santé. Les CNR territoriaux deviendraient les Conseils territoriaux en santé.

gouvernance (GHT, CPTS...)

Pour que l’ensemble des professionnels de santé soient partie prenante des Conseils territoriaux, cela nécessite une représentation de chaque organisation professionnelle.

C'est déjà le cas pour les établissements publics de santé, à travers le Groupement hospitalier de territoire (GHT). Les établissements hospitaliers privés ont leur propre représentation, la FHP pour les cliniques à capitaux, et la FEHAP pour les établissements non lucratifs (établissements mutualistes…).

Les professionnels de santé libéraux n’ont pas la même tradition de représentation collective, et chaque métier dispose de sa propre représentation au niveau régional (Union régionale des professions de santé).

Les Communautés professionnelles de territoire de santé (CPTS) ont été créées pour combler ce déficit de représentation (tous métiers confondus). Un peu plus de 800 CPTS sont dénombrés en mars 2023 par leur fédération, environ la moitié d’entre elles ayant signé une convention de fonctionnement de l’assurance maladie. L’article 3 prévoit l’obligation d’adhésion aux CPTS (en plus de l’adhésion à l’ordre, au syndicat, et à l’URPS), ce qui suscite la colère de certains professionnels.

une procÉdure accélérée

Mais redessiner la cartographie du système de santé en faisant du territoire l’échelon de référence du système de santé soulève de nombreuses interrogations. Car, depuis 20 ans, le  système de santé est piloté au niveau régional. Comment adopter cette disposition sans remettre en cause les missions et l'organisation des ARS ?

Le système de santé est suradministré peut-on lire dans le préambule de la PPL. La PPL Valletoux est donc susceptible d’amplifier la bureaucratie sanitaire, en rajoutant un échelon supplémentaire de décision.

Mais les interrogations relatives à la PPL Valletoux ne s'arrêtent pas là. L’interdiction de l’intérim médical (article 7), le recrutement des médecins de nationalité étrangère (article 9), et l’obligation de participation à la permanence des soins pour les médecins libéraux (article 4) figurent également au menu des parlementaires.

L'examen du texte va démarrer prochainement, la proposition de loi bénéficiant d'une procédure législative dite "accélérée*", avec une seule lecture des deux assemblées.

*En droit constitutionnel français, la procédure accélérée ou procédure législative accélérée est la possibilité de faire adopter un projet de loi à l'issue d'une seule lecture par les chambres du Parlement (Assemblée nationale puis Sénat), réduisant ainsi la durée de la navette parlementaire.

François Tuffreau

publié le 12 mai 2023



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