La fabrique des politiques de santé

Dans chaque numéro, Fil Santé # rassemble des informations sur la fabrique des politiques de santé : données scientifiques qui contribuent à orienter l'action publique, annonces politiques, programmes et plans de santé... 


ADDICTIONS

Le plan addiction a été publié

Après avoir traîné pendant plusieurs mois dans les cartons ministériels, le plan addiction a finalement été discrètement publié en janvier dernier. Alcool, tabac, drogues, écrans… l’exécutif ne semblait pas convaincu que les 200 mesures du plan qui vise à la fois à changer le regard sur les consommations de ces produits, à structurer les parcours de soins, à lutter contre les trafics ou à renforcer la coopération internationale passionnent nos concitoyens.

Ce plan est porté par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), instituée en 1982 afin de répondre à la nécessité de coordonner une politique publique par nature interministérielle, et pour laquelle le ministère chargé de la santé est un acteur parmi d’autres. Le chantier est immense quand il faut mobiliser aussi bien les services de santé pour l’organisation des soins ou la prévention que le ministère de l’intérieur pour la lutte contre les trafics. Des acteurs qui n’ont ni les mêmes cultures professionnelles, ni les mêmes objectifs. Comment concevoir des stratégies qui concernent des produits en usage libre (alcool, tabac, écrans…) et d’autres qui ne le sont pas (drogues), un vrai casse-tête pour faire coexister sur le terrain toutes ces pratiques et qui expliquent l’effet de catalogue de ce nouveau plan addiction.

Sur le terrain, ce sont les Préfets qui ont en charge la mise en place du plan, avec des chargés de mission interrégionaux référents à la MILDECA, la principale administration concernée étant l’Agence régionale de santé (ARS). Le plan comporte 120 pages, dans lesquelles se déclinent les 200 mesures annoncées, réparties entre une vingtaine de priorités. Quant aux stratégies de mise en œuvre, elles sont décrites brièvement en deux pages seulement…

 

Création d'un fonds national sur les addictions

La loi de financement de la sécurité sociale 2019 a créé, au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), un fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives (article L2221-1-4 du code de la sécurité sociale). Celui-ci sera financé par la contravention qui doit être instituée en substitution des mesures pénales prévues jusqu’à présent pour l’usage du cannabis (mesure en cours d’examen au Parlement, dans le cadre du vote de la réforme de la justice).


DROITS SOCIAUX

Le contentieux de la sécurité sociale devient une juridiction ordinaire

Hérité de l’après-guerre, le contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale traite des plaintes des assurés sociaux vis-à-vis des différentes prestations d’assurance maladie ou d’accident du travail, de retraite, d’allocations familiales, de l’URSSAF, d’aide aux personnes âgées et/ou en situation de handicap… : remboursements de taxi pour des soins à l’hôpital, montant des cotisations aux Urssaf, reconnaissance d’une invalidité après un accident du travail, montant d’une pension de réversion ou d’une allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Traité pendant des décennies par des commissions administratives, ce contentieux s’est progressivement judiciarisé : depuis le 1er janvier 2019, les 115 tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), les 26 tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) et les 101 commissions départementales d’aide sociale (CDAS) ont disparu, résultat d’une réforme de grande ampleur des juridictions sociales inscrite dans la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle de novembre 2016 (loi initiée par Christiane Taubira, alors ministre de la justice). Jusqu’à présent, cette  justice très technique et peu visible, à cause de la complexité de la législation sociale, qui concerne souvent les plus pauvres, était considérée comme une sous-justice, dont les magistrats se désintéressaient.

Ce contentieux sera désormais traité dans 116 pôles sociaux, créés au sein des Tribunaux de grande instance (TGI), qui deviendront compétents en matière de Sécurité sociale et d’aide sociale. Près de 250 000 affaires vont être transférées vers les TGI, du jour au lendemain, le maillage territorial étant conservé. En préalable, il a fallu réduire le nombre d’affaires en souffrance avec une réponse judiciaire qui courait parfois jusqu’à deux ans. Ces nouvelles procédures vont représenter environ 15 % de l’activité civile des tribunaux, avec, à la clé, l’intégration dans les greffes des personnels issus de ces juridictions supprimées.

La réforme a été mise en place progressivement. Dans certains départements, les audiences du TASS se tenaient déjà dans une salle du TGI. En l’absence de locaux disponibles, une vingtaine de pôles sociaux vont rester en dehors des murs des TGI. Cette mutation implique également d’y associer les 4 400 assesseurs représentant les salariés et les employeurs qui siègent autour des présidents d’audience des pôles sociaux, et qui ont l’obligation de suivre une formation ad hoc. Une réforme plutôt consensuelle qui simplifie le recours à la justice, en introduisant un accès unique, quel que soit le contentieux.

Source : Le Monde du 29 décembre 2018.

 

Accès à une complémentaire à tarif réduit

À compter du 1er novembre 2019, la complémentaire universelle contributive (CMU-c) et l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) vont fusionner en un seul dispositif. L’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) va donc disparaître, les personnes qui ont un revenu trop élevé pour bénéficier de la CMU-C mais dont les revenus sont inférieurs au plafond prévu par la loi (plafond CMU-C + 35 %), auront droit à une protection complémentaire en matière de santé à  un tarif réduit, proposée par les complémentaires santé. Ce dispositif sera financé par le Fonds CMU-C lui-même financé par un impôt prélevé par les complémentaires elles-mêmes. Il faut attendre les décrets d’application de la loi pour connaître les modalités pratiques de sa mise en œuvre.

 

Les travailleurs indépendants rejoignent progressivement le régime général

Depuis le 1er janvier 2018, la Caisse nationale du régime social des indépendants (RSI) a provisoirement pris le nom de « Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants » l’objectif du gouvernement étant d’intégrer totalement l’assurance maladie et la gestion des retraites de base de ce régime au régime général d’ici le 1er janvier 2020. Les 3 000 salariés de ce régime sont en cours de rattachement à la CNAM, aux CPAM ou aux caisses vieillesse. Depuis le 1er janvier 2019, une nouvelle étape a été franchie, les nouveaux inscrits au régime des indépendants (autoentrepreneurs, professionnels de santé à honoraires libres, avocats, commerçants…) étant automatiquement enregistrés au régime général pour leur retraite de base et pour l’assurance maladie. Ceux qui étaient rattachés au RSI avant cette date rejoindront le régime général à partir du 1er janvier 2020.


DICAMENTS

Des pénuries de plus en plus fréquentes

Depuis des mois, voire des années, les prescripteurs, les pharmaciens et leurs patients constatent des difficultés d’approvisionnement pour des médicaments de plus en plus nombreux. Le cas d’un médicament de la maladie de Parkinson, dont les patients ont besoin plusieurs fois par jour pour éviter de graves troubles de la motricité, a suscité les plus vigoureuses protestations.

Ces ruptures d’approvisionnement s’expliquent notamment par la mondialisation de l’économie qui a conduit l’industrie à délocaliser la production de certains médicaments dans des pays où la main d’œuvre est beaucoup moins rémunérée, et à concentrer cette production sur un petit nombre de sites dans le monde. En cas de difficultés sur un site, le relais ne peut pas toujours être assuré rapidement ailleurs, les états n’ayant aucun levier de contrôle sur les circuits de production.

Par ailleurs, ces difficultés sont également les conséquences de la politique commerciale des laboratoires qui privilégie les pays acheteurs les plus solvables, mettant ainsi en concurrence les pays européens entre eux, l’Europe étant relativement impuissante sur cette question. Si l’agence européenne du médicament décide des autorisations de mise sur le marché (AMM), elle ne se prononce que sur les risques d’un nouveau médicament. À chaque pays ensuite de décider de son prix. L’absence de politique européenne du prix des médicaments place l’industrie en position de force face aux pays acheteurs. À titre d’exemple l’Allemagne qui fixe des tarifs supérieurs aux prix français voit son approvisionnement privilégié par l’industrie.


VACCINATION

Vaccination en pharmacie : de l'expérimentation à la généralisation

Une nouvelle mission des pharmaciens d’officine a été introduite dans le code de la santé (article L5125-1-1), suite à la loi de financement de la sécurité sociale 2019. À partir du 1er mars 2019 ceux-ci sont dorénavant autorisés à pratiquer la vaccination contre la grippe. Expérimentée depuis plusieurs mois dans des régions pilotes, cette mesure s'étend dorénavant à tout le territoire.

Au-delà de l'extension des compétences des pharmaciens d'officine en matière de soins de premier recours, cette mesure est intéressante sur le plan de la méthode. Pour une mesure nouvelle pas forcément populaire auprès de certains corps professionnels, les pouvoirs publics ont commencé par la tester de manière expérimentale, avant de la généraliser. Gageons que la méthode sera utilisée dans d'autres configurations.


VIEILLISSEMENT

 

Un institut national de la longévité, des vieillesses, et du vieillissement

Ils travaillaient ensemble depuis plusieurs années, au sein du Groupement de recherche sur le vieillissement et la longévité, créé en 2014. Depuis 2018, cette structure de coordination qui visait à encourager le rapprochement entre équipes de recherche en sciences sociales pour répondre aux appels à projet nationaux et européens est passée à l’étape supérieure, en devenant l’institut de la longévité, des vieillesses, et du vieillissement. L’objectif est bien sûr toujours de renforcer la visibilité des recherches françaises dans ces domaines, de promouvoir l’interdisciplinarité, mais aussi de permettre des échanges autour des savoirs entre communauté académique et institutions publiques en charge des politiques de l’âge et de la protection sociale. Longue vie à cet institut !

Cette entité rassemble :

  • Instituts de recherche et d’études : service statistique du ministère chargé des affaires sociales (DREES), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), École pratique des hautes études (EPHE),  Ined, Inserm
  • Université Paris Dauphine et Université de Lorraine. 
  • Institutions ayant en charge ces questions : Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA).
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