La fabrique des politiques de santé

ACCÈS AUX SOINS

Le reste à charge en baisse

Selon les Comptes de la santé le reste à charge (RAC) des ménages en santé, c’est-à-dire le montant de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) que les personnes acquittent en propre, a atteint 223 euros par habitant en 2017, soit 1,1 % du revenu des ménages (pourcentage en baisse par rapport à 2016). Car, contrairement aux idées reçues, la proportion de dépenses à la charge de la Sécurité sociale est en hausse : 77,8 % en 2017 contre 76,2 % en 2008. Selon l’OCDE, la France est le pays dans lequel la part des dépenses à la charge des ménages est la plus faible.

 

Allô, docteur !

Consulter son médecin à distance est un mode de recours aux soins qui va sans doute se développer considérablement dans les années à venir. Le bon examen clinique ne va pas disparaître mais la consultation en face à face, dans le cabinet, va sans doute être moins fréquente au profit d’autres modes d’examen. Depuis le 15 septembre 2018, la téléconsultation (qui permet à un médecin de faire une consultation à distance) est prise en charge par l’assurance maladie et les complémentaires santé, selon les mêmes règles qu’une consultation classique au cabinet du médecin. Pour cela elle est réglementée : accord du patient, consultation avec le médecin traitant ou après orientation du médecin traitant, moyens vidéos sécurisés pour protéger les données de santé et le secret médical. Ainsi, sont exclus de la prise en charge téléconseils et téléconsultations proposés par les plateformes commerciales, actuellement en plein développement.

 

Des délais de rendez-vous… variables

80 jours pour un ophtalmologiste, un peu plus de 60 pour un dermatologue, 50 pour un cardiologue, 44 pour un gynécologue, et 45 pour un rhumatologue : voilà le classement de la DREES relatif aux délais de rendez-vous pour consulter un médecin en France, sur l’ensemble du territoire national. Chez le médecin généraliste, 49 % des prises de contact aboutissent à un rendez-vous le jour même ou le lendemain (un tiers dans la journée), mais un quart se concrétisent plus de 5 jours après.

Pas de surprise puisque chacun peut mesurer, dans sa vie quotidienne, la difficulté à joindre un spécialiste. Mais l’intérêt de ces travaux est de mettre en évidence les écarts entre territoires. Ainsi, pour consulter un ophtalmologiste, 10 % des français doivent attendre… plus de six mois. On n’est pas non plus surpris d’apprendre que les couronnes rurales des grands pôles, et les pôles périurbains ont des délais d’attente parmi les plus longs.

Le Syndicat National de l'Industrie des Technologies Médicales (SNITEM) s’intéresse lui aussi aux délais d’attente mais cette fois pour un examen d’imagerie très spécifique, l’IRM (imagerie par résonance magnétique), largement utilisé en cancérologie. Le délai d’attente pour un examen de ce type atteint 70 jours dans les Pays de la Loire, 52 jours en Bretagne contre moins de 20 jours en Ile-de-France ! Vive la planification en santé.

 

Un accès plus simple et moins coûteux à une complémentaire santé

Dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, deux dispositions majeures vont bientôt voir le jour en matière d’accès aux soins pour les personnes à faible revenu. Dorénavant, les personnes bénéficiant du Revenu de solidarité active (RSA) vont être automatiquement couvertes par la CMU-c sans démarche préalable, ce qui devrait faciliter leur accès aux soins. Par ailleurs, l’allocation d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), qui permet aux personnes qui ont un revenu mensuel supérieur au plafond du RSA (734 euros pour une personne seule) mais inférieur à 991 euros par mois, de recevoir une aide pour l’acquisition d’une complémentaire va être remplacée par un dispositif plus simple pour les usagers. A compter du 1er novembre 2019, les assurés sous le plafond de ressources de l’ACS pourront accéder à un contrat-type proposé par les complémentaires santé à moins de 1€ par jour. Ces dispositions vont être inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale voté à l’automne.

De son côté, à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre, Médecins du monde a publié son 18ème rapport annuel sur l’accès aux droits et aux soins des plus démunis en France et constate le non-accès  d’un grand nombre de personnes en situation précaire.

ADDICTIONS

Reculs de la consommation de tabac, alcool, cannabis chez les jeunes

Selon les résultats de l’enquête nationale ESCAPAD 2017, l’usage quotidien du tabac diminue de 7 points pour concerner un quart des adolescents interrogés, entre 2014 et 2017. L'usage d'alcool a également tendance à marquer le pas même si deux tiers des jeunes ont bu au cours du mois écoulé et que plus de 4 sur 10 indiquent avoir consommé au moins 5 verres en une seule occasion au cours de ces mêmes 30 derniers jours. Pour le cannabis, l'expérimentation passe pour la première fois depuis 2000 sous la barre des 40 % (39,1 %). Cependant, plus l'indicateur d'usage s'intensifie moins la baisse est marquée et l'enquête souligne le maintien de situations problématiques. Concernant les autres drogues illicites, l'enquête ESCAPAD met en évidence de moindres niveaux d'expérimentation qu'en 2014 notamment pour la MDMA/ecstasy et la cocaïne. Autre intérêt de cette enquête, la mise en évidence les différences de comportement entre filles et garçons ou selon le cursus scolaire : la consommation quotidienne de tabac est ainsi deux fois plus élevée parmi les apprentis (47,3 %) ou chez ceux sortis du système scolaire (57,0 %) que parmi les lycéens (22,0 %). Si les apprentis présentent les usages réguliers d’alcool les plus importants, les adolescents sortis du système scolaire déclarent pour leur part les niveaux d’usages réguliers de cannabis les plus élevés.

Menée pour la neuvième fois depuis 2000, cette enquête a été conduite en mars 2017 dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté, auprès de quelque 46 000 jeunes filles et jeunes garçons.

DÉMOCRATIE SANITAIRE

Dépendance : la démocratie numérique bouscule la démocratie sanitaire

Depuis 1996, la France s’est dotée de différentes instances représentant les professionnels et les usagers qui ont notamment pour mission de porter le débat public en santé, au niveau national (Conférence nationale de santé), régional (Conférence régionale de santé et d’autonomie) et local (Conseil territorial en santé). Mais, Une recomposition est en train de  s’opérer qui ne manque pas d’interroger le fonctionnement de la démocratie sanitaire, à tous les étages ! Les responsables de la santé se tournent en effet dorénavant vers le numérique pour recueillir l’opinion des populations, court-circuitant les instances traditionnelles de représentation des usagers, comme en témoignent les exemples suivants : concertation citoyenne sur la vaccination, stratégie nationale de santé, révision des lois de bioéthique. Dernier en date, la ministre des Affaires sociales, le Pr Agnès Buzyn vient d’annoncer le lancement d’une grande consultation sur internet pour préparer le projet de loi sur la dépendance.

 

Projet de loi de financement de la sécurité sociale : et si on parlait santé ?

Chaque année, le Parlement décide des moyens alloués au système de santé dans le cadre de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Mais, dans l’examen par le Parlement du PLFSS, les questions de santé sont noyées au milieu d’autres préoccupations relatives aux retraites, aux allocations familiales, ou au déficit structurel de l’assurance maladie…  La politique de santé ne fait pas l’objet d’un débat en tant que tel devant la représentation nationale, et les annonces gouvernementales se multiplient sans que l’on puisse juger de leur réelle mise en œuvre. A l’heure où les fausses nouvelles et les contres vérités circulent à grande vitesse, il serait bienvenu que, chaque année, un rapport annuel soit produit devant le Parlement, qui permette de mettre en évidence les avancées (et elles sont nombreuses), mais aussi les difficultés auxquelles notre système de santé est confronté. Ce n’est pas une idée nouvelle, cette disposition ayant été votée par le Parlement en mars 2002 : «Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 15 juin, sur les orientations de la politique de santé qu'il retient en vue notamment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année suivante » (article L1411-1 du code de la santé publique). Disposition aussitôt abolie par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2004 !

 

Grandes manœuvres autour des données de santé

Si vous voulez impressionner votre entourage, ne dites pas « plateforme d’exploitation des données de santé », mais « health data hub », c’est plus chic. Quant au terme de « données de santé », ou data santé, il désigne l’ensemble des informations (médicales, sociales, administratives…) recueillies tout au long du parcours de santé de la population.

La mission de préfiguration de la future plateforme d’exploitation des données de santé a remis aux ministres concernés son rapport qui agite le petit monde de la statistique en santé et de l’intelligence artificielle. Au menu : « Déterminer des prises en charge adaptées et efficaces pour les maladies rares en agrégeant des observations de sources multiples, dépister ou caractériser les états précancéreux grâce à l’intelligence artificielle, doter les professionnels de santé d’outils pour accompagner le choix des meilleures options de prises en charge dans le contexte personnel du patient, développer les essais cliniques virtuels, suivre, en vie réelle et dans la durée, les impacts des innovations diagnostiques ou thérapeutiques et les effets croisés des prescriptions médicamenteuses » . L’accès aux bases de données de l’assurance maladie s’est déjà fortement structuré avec l’instauration du système national des données de santé (SNDS) sous l’égide de l’Assurance maladie, une nécessité pour protéger l’anonymat des patients. Mais, en rigidifiant l’accès aux données de santé, la loi limite considérablement les possibilités d’utilisation de ces données.

L’ambition de la plateforme est d’en ouvrir l’accès, et de constituer un véritable écosystème de manière à faire de notre pays un des leaders mondiaux dans ce domaine, afin de ne pas laisser aux GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ce nouveau marché. La nouvelle plateforme qui devrait voir le jour, au moins dans une version expérimentale au cours de l’année 2019, aurait non seulement pour vocation d’offrir un accès aux données de santé (ce qui existe déjà peu ou prou) mais également de soutenir, en amont la production de données de santé, et d’accompagner leur valorisation en aval.

PROFESSIONS DE SANTE

Les soins infirmiers à domicile en pleine croissance

Depuis une vingtaine d’années, les soins de proximité ont connu une mutation en profondeur, comme en témoigne l’essor des soins à domicile. L’effectif des infirmiers libéraux est passé de 46 000 au début des années 2000 à plus de 80 000 en 2016, chiffre largement sous-estimé car il ne dénombre que les infirmiers titulaires, sans tenir compte des remplaçants. A l’inverse des autres professionnels de santé, les infirmiers effectuent l’essentiel de leur activité au domicile. Selon les Comptes de la santé, les dépenses totales en soins infirmiers (libéraux, centres de santé, services de soins infirmiers à domicile) ont atteint 9,8 Mds € en 2017, contre 8,9 Mds € pour ceux dispensés par les médecins généralistes.

VACCINS

Vaccin antigrippal 2018 : rapport qualité prix en baisse

 Jusqu’à présent le vaccin de la grippe protégeait contre trois souches différentes de virus (vaccin trivalent). Cette année, l’industrie pharmaceutique a mis sur le marché un vaccin tétravalent comprenant quatre souches ; Influvac tetra© du laboratoire Mylan, Vaxigriptetra© de Sanofi et Fluarix tetra© de Glaxosmithkline. Mais la Haute autorité de santé a rendu un avis considérant que ce vaccin tétravalent n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu. Le vaccin trivalent qui coute 6,20€ est quasi introuvable, alors que le tétravalent est partout disponible pour 10,11€. Avec 12 millions de personnes potentiellement éligibles à la prise en charge totale de ce vaccin, le débours supplémentaire pour la CNAM (qui supporte 65 % du cout) est estimé à 39 Ms €, sans efficacité supplémentaire. Autre nouveauté, la possibilité de se faire vacciner par son pharmacien, à titre expérimental dans quelques départements, pour 6,30€ l’injection, tarif identique à celui de l’injection faite par une infirmière. Si c’est le médecin traitant qui vaccine, c’est le plus souvent dans le cadre d’une consultation à 25€.

Commentaires: 0